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et cruelle ! Il renaissait à la vie, en retrouvant la paix de la conscience et les attachements du cœur, et les brigands s’apprêtaient à faire surgir devant ses yeux le spectre de la mort. Qui pourra jamais deviner les secrets du lendemain ? Et qui nous assure que nous qui sommes allègres aujourd’hui, comme l’insecte qui chante sur un brin de verdure, nous ne serons pas, demain, couchés sous un linceul ? En nous promenant dans la prairie, au jour de la moisson, nous écrasons sous notre pied distrait l’insecte heureux qui vit d’amour et de soleil ; ainsi, pendant que nous nous berçons de rêves suaves et de voluptueuses espérances, le pied vagabond de la fatalité se lève en silence pour nous broyer. La mort d’un insecte ne saurait interrompre le concert de la prairie : notre mort ne peut, non plus, interrompre le concert du monde.

Eusèbe n’a pas encore appris la guérison du muet. Il repose dans un sommeil calme, quand son beau frère et le vieux Saint Pierre arrivent à sa demeure. Ils frappent. Madame Asselin s’éveille la première. Elle secoue un peu vivement son mari, en disant : Eusèbe, on cogne à la porte !