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Vous savez des chansons… Vous n’avez pas le rhume… Et que sais-je ?

Ce fut Noémie qui triompha de son obstination. Les jeunes gens virent bien qu’il avait des intentions pour la jolie brune.

— Pour vous faire plaisir, mademoiselle, je vais chanter, dit-il…

Noémie sourit ; ce n’était ni un sourire d’orgueil, ni un sourire de plaisir… Il y avait un peu de moquerie dans ce sourire. Picounoc ne chantait pas si mal que vous le pensez ; mais il chantait du nez. N’eût été sa voix nasillarde, on l’eût admiré. Dans les chantiers il avait de la vogue : c’est que son répertoire était riche de chansonnettes grivoises, et que les voyageurs et les gens de cage prisent fort ce genre de poésie. Il redit, d’un ton plaintif et traînant, une romance qui fut jugée fort belle. Elle était d’une moralité bien douteuse, mais grâce à la naïveté de nos mœurs, on ne comprit que la partie sentimentale. J’ai maintes fois entendu, dans nos réunions honnêtes de la campagne, des chants grivois que tout le monde applaudissait, bien innocemment à coup sûr.