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au hasard. Seul le bruit des pas le guide. Alerte et vif, il aperçoit bientôt une forme vague qui se sauve. C’est Charlot avec l’enfant. Il le poursuit comme un fantôme poursuit un fantôme. Il distingue de mieux en mieux les contours grossiers de sa noire silhouette ; il va l’atteindre, le toucher, quand son pied nu, s’embarrassant dans un arrachis, se déchire sur un nœud aussi dur qu’une pointe d’acier. Il tombe. Le brigand disparaît de nouveau. Nonobstant la douleur cuisante qu’il ressent au pied, le muet reprend sa course. Le désir de sauver sa sœur lui fait mépriser toute souffrance physique. Mais n’y a-t-il point folie à courir dans les ténèbres après quelqu’un que l’on ne voit pas et que l’on n’entend pas davantage ? Le pauvre garçon est désespéré. S’arrêtant pour écouter, il n’entend que le vagissement des flots au rivage. Il pense que le ravisseur est caché, et, n’obéissant qu’à son amour fraternel, il s’enfonce dans tous les buissons et descend dans tous les ruisseaux.

Quand le jour vint semer ses rayons dans le ciel, sur le fleuve et les montagnes, comme un laboureur matinal sème ses grains dans les sillons, le muet, presque fou de douleur et de