Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, Tome II, 1877.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la rive. Il rame avec force, tenant toujours le canot vent arrière. Cependant les vagues secouent leurs aigrettes d’écume dans le frêle esquif, et deviennent de plus en plus terribles à mesure que le fleuve est plus profond. Le dévoué garçon regarde les cinq malheureux cramponnés à la quille de la chaloupe, et se dirige sur eux. Il se recommande à Dieu et à Sainte Anne, comprenant bien le danger sérieux auquel il s’expose volontiers. Il est consolant de savoir que l’amour de Dieu compte encore plus de dévouements que l’amour de l’or, et que la charité fait plus de martyrs que l’égoïsme.

Le vent jeta les naufragés sur l’ilet qu’ils désiraient atteindre. Alors le jeune homme fut tenté de virer ; mais il craignit de verser en présentant au vent et aux flots le côté de son canot sans défense. Il continua de fuir devant la tempête : Ce fut son salut. Il atterrit à l’autre extrémité de l’ilet. L’orage commençait à perdre de sa fureur. Une barre lumineuse ceignit, comme une auréole, le front des montagnes ; la pluie cessa peu à peu, et le tonnerre lointain laissa dormir les échos du Cap Tourmente.