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counoc. Il balbutie : Cette veuve, c’est ma mère !

Et il s’assied. Il est affreusement pâle.

— Vous ne le saviez pas ? demande la femme.

— Il y a quinze ans que je suis parti de la maison, dit-il d’une voix saccadée.

— Dans quinze ans, continue la femme, il se passe bien des choses… si vous voyiez votre sœur Emmélie à cette heure, c’est ça qui est un beau brin de fille !… blanche comme la neige, des cheveux blonds comme de l’or, des yeux bleus comme le ciel, et faite, monsieur !… faite à ravir !… Tous les garçons de la paroisse en raffolaient.

Picounoc se lève. Il ne voit rien ; sa tête bourdonne : les idées confuses dansent dans son esprit, comme les gouttes de pluie dans une mare d’eau.

Quinze jours plus tard il arrivait tout à coup dans la braierie d’Asselin, à Lotbinière. Les terribles émotions qu’il avait ressenties s’étaient peu à peu calmées, son mauvais naturel avait reprit le dessus, et tout en éprouvant les morsures du remords, il affectait le calme et la gaité.