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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

paya pour son frère. Elle avait alors trois ans. Madame Asselin la prenait sur ses genoux comme pour la caresser, et lui pinçait les bras ou les jambes de ses doigts nerveux et mauvais. L’enfant pleurait. Pour la faire taire, on la mettait à genoux au milieu de la place, les bras en croix. Elle aurait dû avoir le regard vague et l’air hébété ; chose étonnante, le martyre ne l’abrutissait point. Son œil jetait souvent des éclats radieux et sa petite tête prenait encore, parfois, l’expression de gaité mutine des papillons qui dansent dans les rayons du soleil. Elle grandissait, et sa beauté faisait paraître plus laides ses petites cousines. La mère s’apercevait de cela, et la comparaison qu’elle faisait entre ses enfants et cette pupille détestée ne contribuait pas légèrement à l’aigrir. Elle devinait bien que les voisines aimaient mieux caresser la petite Marie-Louise que ses enfants. Elle enrageait. Tôt ou tard, se disait-elle en pensant à l’orpheline, je me débarrasserai de toi !