Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, 1877.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

en parlant, et on le vit essuyer plus d’une larme. Le père Lallemand qui dort toujours ne ferma pas l’œil, et la grosse Catherine qui passe pour un cœur dur pleura comme une Madeleine.

Le groupe le plus considérable s’est formé devant la maison publique. Un personnage sur lequel tous les yeux sont fixés se trouve au milieu. Il est là serré comme dans un étau. On le tient enfermé dans un cercle impitoyable ; et il n’est pas aisé de rompre cette digue de curieux. Ce n’est pas le groupe le plus bruyant : il n’y a là que des hommes. Un peu plus loin, sur le même coteau, tout près de la maison d’Amable Houde, les femmes sont réunies comme les corneilles qui se rassemblent sur les rameaux sans feuilles, à la fin de septembre, pour émigrer vers le sud. Elles caquettent. Bientôt cependant c’est à qui parlera plus haut ; c’est une lutte entre elles pour raconter ce qu’elles ont vu ou n’ont pas vu, ce qu’elles savent ou ne savent pas. D’un côté une voix stridente s’écrie : Marguerite ne le sait pas : elle n’était point au bateau quand il est arrivé… Moi je le sais bien.

— Tu le sais, Catiche ? dit une autre voix, y étais-tu ?