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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

petite fille pleurait. C’était la meilleure et la plus mignonne des écolières. Un petit garçon, le plus effronté de tous, regardait ses camarades d’un air triomphant.

Chaque classe vient à son tour se mettre en rang, debout, pour lire. Dans la première il n’y a que deux écoliers, Ces deux-là lisent dans le Télémaque. Ils se passent et repassent tour à tour, pour un mot mal prononcé, pour une s ou un t mal liés au mot suivant. Une autre catégorie d’écoliers défile. La neuvaine est son champ d’exploits. Ensuite viennent les commençants, ceux qui n’ont pas encore dépassé les limites de l’A-b-c, qui défrichent avec peine la Bi, bo, bu, et les plus savants qui lisent dans les lettres fines. Joseph est parmi ces derniers. Le maître lui ordonne de se lever et de prendre sa place. Il a les yeux tellement mouillés, il est si craintif qu’il ne voit rien. Son livre lui paraît tout embrouillé, et les lettres dansent sur les pages humides de larmes, comme l’ombre des feuilles tremblantes sur un sable ensoleillé. Un voisin lui dit la page et, du doigt, lui montre le paragraphe. Soins inutiles ! Le malheureux orphelin bégaie quelques mots qui ne sont pas dans son livre,