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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

C’est par le raisonnement, la douceur et les bons procédés, que l’on instruit et corrige des êtres raisonnables, et non à coups de bâton.

Eusèbe Asselin et le maître d’école se connaissaient intimement et se voyaient souvent. Le maître d’école n’atteignait pas encore les hauteurs de la quarantaine, et il paraissait toucher aux rivages de la vieillesse. Ses cheveux n’avaient pas attendu l’automne de la vie pour tomber, et son front était sillonné de longues rides. Son regard était faux, sa parole, brève. Pourquoi était-il chauve ? pourquoi avait-il des rides ? Anastasie Déchène qui le connut à Québec, avant qu’il s’implantât dans notre paroisse, disait qu’il avait fait la vie. C’est un terme avec lequel on n’est guère familier dans nos heureux villages. Les premières fois qu’elle disait cela, on ne la comprenait point. Alors elle se servait d’une autre expression : Il a fait la noce trop souvent. On pensait qu’il était allé aux noces, et on le jalousait. Anastasie nous trouvait simples, et, une bonne fois, levant de pitié ses larges épaules : Il a trop bu, trop fait l’amour ! dit-elle avec impatience. Trop fait l’amour ! pensai je longtemps. Moi qui aimais tant et d’une si pure amitié la