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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

porte vers l’un ou l’autre des événements qui viennent d’arriver. Les hommes restent quelquefois plongés dans une rêverie profonde ; les femmes parlent beaucoup. Lorsque deux d’entre elles s’arrêtent devant une porte, une troisième survient, puis une quatrième, puis une autre, puis toutes les femmes du canton. Parfois alors arrive Geneviève Bergeron. Elle vient le plus souvent de l’érablière, et, des larmes plein ses grands yeux hagards, elle demande d’une voix dolente : N’avez-vous pas vu la petite Marie-Louise ? Pauvre petite ! il faut que je la trouve ; sa mère me l’a confiée… Elle n’est point dans la fosse du ruisseau ; la fosse est remplie… L’eau coule sur le cadavre du méchant mais elle ne lavera point ses crimes… Et, sans attendre de réponse, elle part chantant sur l’air mélancolique du « Fil de la vierge : »

Aujourd’hui j’ai perdu bien plus d’une espérance
En floraison,
Et le doute a soufflé sur ma frêle existence
Son froid poison.
Ici-bas j’ai cherché des amitiés divines,
Soins superflus !
L’amour a des regrets, le bonheur, des épines…
Je n’y crois plus !

— Pauvre Geneviève ! murmurent les femmes, en la regardant s’éloigner, pauvre Geneviève !