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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

pour l’envoyer à l’étable. Pauvre petit Joseph ! si vous l’aviez vu, mal vêtu, mai chaussé, sa casquette d’étoffe sur la tête, des mitaines de cuir sans doublures dans les mains, s’en aller à la grange, par les froids de décembre et de janvier, sur la neige criante, délier les gerbes d’avoine, et les étendre dans la batterie, (l’aire) pendant que l’oncle fumait sa pipe à la porte du poêle plein de feu ! Il se hâtait de défaire une gerbe, puis il entrait dans l’étable pour se réchauffer un peu. Il s’avançait dans les parcs des génisses, et tenait ses doigts glacés sous leur chaude haleine. Son tuteur lui avait fait un fléau de bois franc, et déjà l’enfant, battant les épis mûrs, faisait retentir de ses coups réguliers les échos de la grange. Puis il donnait l’eau à la maison. Cela, c’était peu. Souvent il la donnait aux bêtes à cornes et aux chevaux. Alors c’était un travail pénible d’une heure au moins. Il fallait n’avoir point de cœur pour le voir, sans le plaindre, tirer avec un long crochet de bois glacé, fixé au bout de la brimbale, le seau demi-plein qu’il portait ensuite, en le traînant, dans les auges longues de l’étable ! Alors il pensait au soleil et soupirait après l’été. Et l’été, ce n’était plus de froid, que souffrait le pauvre orphelin, mais de chaleur. Le supplice