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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

tourne ses esprits vers le ciel et ferme les yeux. Il attend, dans la prière, le moment fatal. S’il pouvait se servir de ses mains, il ne désespérerait pas ; il se sauverait en se cramponnant à l’embarcation. Mais ainsi garrotté, privé de l’usage de ses mains et de ses pieds, il est voué à une mort inévitable.

Le canot s’emplit toujours, et ses bords ne s’élèvent plus que de quelques pouces au-dessus de la nappe limpide. Le muet se soulève dans un dernier effort pour éviter le contact de l’eau qui lui lèche la gorge. Il se tient immobile, le moindre mouvement le perdrait. La fatigue le gagne, et peu à peu, sa tête devenue trop lourde, redescend sur le petit siège submergé. Sa pensée est avec Dieu ; ses yeux fermés ne veulent plus voir les choses de la terre. Il tâche, une dernière fois, de relever cette tête que la mer attire avec une force invincible ; il ne le peut. Épuisé par ce suprême effort, il retombe sur le siège, et le flot court avec un léger murmure sur sa bouche qui le repousse dans un râle de désespoir. Il fait alors cette résistance instinctive, brusque et violente que fait tout être mourant pour échapper aux étreintes fatales de la mort, et le canot chavire.