Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, 1877.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.
279
LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

— Ô bonne Sainte Anne ! pense le malheureux garçon, si vous me sauvez, j’irai sans retard, pieds nus et nu-tête, à votre sanctuaire de Beaupré !

Il lève la tête : le canot vacille. Il voit les côtes sauvages du Platon, les plus belles des bords du St. Laurent, avec leurs couronnes d’ormes et d’érables chevelus. Pas une voile ne vient : il ne vente point. Et s’il ventait, le canot ne résisterait pas à la secousse des vagues. L’embarcation perd l’équilibre et le moindre mouvement de la malheureuse victime la fait chanceler. Immobile, le muet voit, dans le demi-jour, l’eau qui le couvre lentement comme le suaire de la mort. Il compte les instants qui lui restent à vivre. Ses membres engourdis se glacent dans l’eau froide et sa tête est brûlante. Il lui semble que ses yeux sortent de leurs orbites. Des larmes coulent sur ses joues. Il pense à sa mère, et récite en esprit, l’Ave Maria. Il se souvient de sa petite sœur chérie, et se console parce qu’il la croit à l’abri des atteintes du maître d’école. Il a une pensée pour la jolie Noémie ; mais, est-ce bien l’heure, en face de la mort, de se complaire dans des souvenirs agréables ? Il