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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

— Ce sont eux ! pensa-t-il : Un gros court, un grand mince, une barbe rouge !… ce sont eux ! Le canotier, le bourgeois et la charlatan !… Les misérables ! ils ont bien tardé ! n’importe ? ils n’arrivent pas trop tard.

Et tout en faisant ces réflexions, il sauta de l’autre côté de la clôture et se cacha derrière une immense roche qui s’élevait, comme un mausolée, au milieu du champ.

— Ils passeront tous trois ensemble du même côté, se dit-il, et je tournerai à mesure qu’ils avanceront ; c’est la meilleure cachette et la plus sûre.

Une voix fraîche égrène, tout à coup, dans le clos voisin, des notes suaves et mélancoliques ; puis le son d’une chaudière de ferblanc qui se heurte aux têtes de chardon, se mêle comme une voix de basse au chant de la jeune fille. C’est Noémie qui vient traire les vaches. À sa voix connue, les bêtes à cornes lèvent la tête et regardent de loin, avec leurs grands yeux pensifs, la fille charmante qui n’oublie jamais la poignée de sel dont elles sont si friandes : Viens-t-en, rougette, viens ! viens-t-en, la noire, viens ! se met à crier la jeune ménagère… Les bêtes répondent par un