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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

la mort de Madame Letellier et du malheur de ses enfants, elle est comme éclairée d’une lumière subite, et elle entend le langage silencieux du pauvre garçon. Elle parle de plusieurs choses qui ne lui paraissent pas étrangères, et elle lui fait des questions auxquelles il répond assez facilement.

— Êtes-vous Joseph ? demande-t-elle enfin d’une voix émue.

Alors le muet ressent une joie qui tient du délire ; il saisit les mains de Noémie et les couvre de baisers.

— Tu es Joseph ? répète la jeune fille stupéfaite.

Il fait signe qu’en effet il est Joseph, et il fond en pleurs.

— Mais Joseph n’était pas muet.

Alors il a un moment de désespoir ; il pâlit, lève les yeux au ciel, montre le Christ suspendu sur la croix de bois, et reporte sur sa langue muette le doigt qui vient de se lever sur le Sauveur.

— C’est le bon Dieu qui t’a rendu muet ? hazarde en tremblant Noémie.

Joseph penche la tête et tombe à genoux.