Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, 1877.djvu/252

Cette page a été validée par deux contributeurs.
255
LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

est encore là avec ses poteaux élevés, mais nu, dépouillé, triste comme un cadavre. Le poêle n’est plus dans la cloison qui reste ouverte. Le grillon chante sous le foyer éteint : seul il est demeuré fidèle à la malheureuse maison. La croix noire au pied de laquelle le père, la mère et l’enfant s’agenouillaient chaque soir, est toujours pendue au mur peint à la chaux. Le tuteur n’a pas eu besoin de ce souvenir incommode.

Ah ! le pauvre muet ! comme il pleure en revoyant ces objets sacrés ! comme il pleure au souvenir de ces jours lointains et heureux ! Et toutes les souffrances qu’il a endurées depuis l’heure fatale où il a dû sortir de la maison paternelle, passent aussi devant ses yeux, comme ces bandes d’oiseaux voraces que le naufrage attire !… Un sentiment de vengeance monte malgré lui du fond de son cœur. Il pense au Christ flagellé, et la colère se calme. Mais ne peut-il pas, ne doit-il pas enfin se faire connaître et revendiquer ses droits ? Hélas ! comment fera-t-il ? Il ne peux parler, il ne peut écrire !… Un sombre découragement s’empare de son âme, par instant et ceux qui le voient disent : Ce garçon-là