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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

sa faucille ; et, chaque fois qu’elle le rencontre, il la salue avec un sourire. Les gerbes sont entassées dans les grandes charrettes, et les chevaux ou les bœufs charroient chaque jour, dans les granges recouvertes en chaume, les récoltes abondantes. Quand le soir est venu, que le travail est fini, que la nuit enveloppe la campagne et confond tous les objets, le muet rôde, comme un fantôme, autour d’une maison inhabitée depuis longtemps, et ceux qui l’entrevoient dans les ténèbres se sentent saisis d’un vague effroi. Les histoires de revenants se content au coin du loyer, et des femmes crédules assurent qu’elles ont vu, plus d’une fois, le défunt Letellier debout, immobile, à la porte de sa maison déserte. Les jeunes filles n’osent pas sortir le soir. Le muet part avant l’aube et ses pas se dirigent encore vers cette maison que l’on croit hantée. Alors avec le rayon du jour qui tombe sur le toit vieilli et l’illumine, surgit un autre rayon plus vif et plus brillant : c’est le soleil du souvenir qui éclaire le passé, pour en faire ressortir ces mille détails charmants que la mémoire avait oubliés. Le muet revoit la chambre solitaire où sa mère a rendu le dernier soupir. Le lit