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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

bâteaux passagers de Lotbinière. Il en était aussi le matelot et le couque ; il formait l’équipage à lui seul. Paton était capitaine et propriétaire, couque, et matelot de l’autre bateau voyageur. Tous deux avaient beaucoup de monde : ils ne partaient pas du même endroit : l’un faisait voile de la Vieille Église, l’autre, du ruisseau de Grégoire Houle, juste une lieue plus bas. On se rappelle que la berge de Paton avait un jour chaviré, et que plusieurs personnes s’étaient alors noyées. Pendant longtemps les habitants n’osèrent s’embarquer avec le malheureux capitaine, et Mathurin fut sur le point de rallonger son vaisseau, en le coupant au milieu. Cependant tout s’oublie, les jours de joie comme les jours de peine, les malheurs comme les chances heureuses. Le souvenir de la noyade s’altéra dans le passé brumeux. Il était comme ces voiles qui flottent vaguement dans un brouillard. Les gens allèrent de nouveau s’embarquer à la Vieille Église, et Paton eut encore des jours de triomphe.

Les deux bateaux partirent ensemble de la ville. Ce fut entre eux une lutte agréable. Les voiles gonflées qui volaient sur les vagues