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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

faire un testament. Il faut que je me hâte : la mort est inexorable : elle n’attend point. Mes lunettes ? Allons ! où sont mes lunettes ? Agathe, avez-vous vu mes lunettes ? Agathe ?… On entendit alors une voix enrouée sortir du fond de la cuisine.

— Non, monsieur le notaire, je n’ai pas vu vos lunettes.

Le notaire cherche partout, range, soulève, et remet dix fois à la même place, les papiers, et les livres qui encombrent sa table. Il commence à perdre patience et murmure entre ses dents. Les six habitants rient malgré eux en se cachant autant que possible. Les uns toussent, crachent et se mordent la langue ; les autres se mordent la langue, crachent et toussent. L’un des six, moins gêné que les autres, se risque à dire : Pardon, monsieur le notaire, mais je crois, sauf le respect que je vous dois, que vos lunettes sont à votre front. Le notaire porte la main à son front. — Tiens ! dit-il, je peux bien ne pas les voir !… Cette boutade a un effet magique sur les six qui meurent de l’envie de rire, et l’étude du notaire retentit d’un éclat joyeux. Le notaire ne peut