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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

pins, et les hommes reprirent leurs travaux fatigants ; et le muet ne parlait point. Et, pendant plusieurs jours et pendant plusieurs mois, la hache affilée retentit sous le dôme de la forêt, la scie vibrante mordit les pins résineux, les traîneaux sans lisses crièrent sur la neige ; et le muet ne parla point. Dans tout le chantier l’on finit par comprendre que la main de Dieu s’était appesantie sur le malheureux jeune homme ; mais peu d’entre ces gens dépravés se repentirent et cessèrent de blasphémer le nom du Seigneur. Tant il est vrai que les miracles ne convertissent presque jamais les cœurs endurcis.

Le muet priait avec ferveur, du fond de l’âme, le matin avant d’aller à l’ouvrage, et le soir, après son rude labeur. Il ne redoutait plus les moqueries de ses camarades et restait, devant eux, longtemps à genoux. Il soupirait après le jour où, porté sur l’immense cage de bois de pin, il voguerait jusqu’aux bords aimés de Québec. Acceptant le châtiment avec soumission, il espérait qu’un jour Dieu lui ferait miséricorde. Il avait entendu parler souvent du sanctuaire de Ste. Anne, où tant de pauvres malheureux avaient été consolés, ou tant de