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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

départ du bateau de Lotbinière, afin de voir si le maître d’école et l’enfant prendraient passage à bord. Il y vint en effet, et c’est ce qui explique sa présence à l’Oiseau de proie au moment son oncle y entra avec le charlatan.

Joseph n’était plus ce jeune homme cynique et pervers que nous avons vu dans les chantiers, bavant mieux que les autres, jurant davantage, blasphémant le nom de Dieu plus gaiement. Le châtiment terrible dont il fut l’objet le convertit. Quand une force invisible enchaîna sa langue, que ses lèvres s’agitèrent convulsivement pour ne laisser passer qu’un râle affreux, que la colère du Seigneur offensé se manifesta d’une façon si terrible, il se prit à trembler ; il crut qu’il allait mourir ; que la terre s’entrouvrirait pour l’engloutir tout vif. Ses crimes passèrent devant ses yeux comme une volée d’oiseaux sinistres. Il fut effrayé… Si jeune encore, il n’en put compter le nombre, ni comprendre la grandeur. Il revit les jours de son enfance, alors qu’il avait encore la sainte innocence du baptême, et des larmes de regret mouillèrent ses yeux hagards. Il revit, comme dans un rêve, sa mère mourante qui lui demandait de réciter un Ave, Maria, chaque jour, et