Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, 1877.djvu/152

Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

vérité, ajoutant, retranchant, selon que le demandait la vanité de l’esprit ou la méchanceté du cœur.

Le vieillard questionna le maître d’école sur ses antécédents, et demanda de redire, en peu de mots, son histoire.

— Heureux les hommes qui n’ont point d’histoire ! fit Racette avec emphase… je suis du nombre de ces heureux. Mon histoire ne commence que d’aujourd’hui. Elle sera ce que vous la ferez. Le docteur vous a dit que je suis maître d’école. Savez-vous ce que vous avez à faire quand vous êtes dans le corps enseignant ? Vous avez à régenter un troupeau d’enfants souvent imbéciles, plus souvent malins en diables. Vous leur répétez cent fois la même chose, et eux ne vous la répètent pas deux fois. Vous leur expliquez les secrets de la science ; ils s’appliquent à mettre des queues de papier aux mouches. Vous leur apprenez à écrire ; il vous caricaturent avec leur plume sur des pages de leur cahier. Vous leur enseignez à lire ; ils fouillent votre tiroir et se régalent de vos billets doux. Vous les grondez ; ils se cachent le nez dans leurs livres et vous font des grimaces. Vous les battez