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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

sur la table, une bouteille de rhum coloré, presque vide, et trois verres nouvellement remplis. À chaque instant, les trois hommes portaient les verres à leurs bouches et buvaient une gorgée. Ils paraissaient engagés dans une confidence sérieuse. Le muet pensa : La nuit sera bientôt finie. Je connais cette maison. Madame Labourique me recevra comme son enfant, et prendra soin de la petite ; pourquoi irais-je troubler le repos des braves gens à qui je veux la confier. Quand le jour paraîtra, je me lèverai : je serai plus dispos, l’enfant sera mieux ; elle parlera bien peut-être ; alors j’irai à la haute ville, et je mettrai mon projet à exécution. Ce raisonnement lui parut bon. Il y avait peut-être un peu de curiosité. Peut-être voulait-il considérer de plus près ces individus qu’il venait d’apercevoir, grâce à l’indiscrétion des vieux contrevents. Il frappe ; personne ne répond. Il frappe de nouveau. L’homme qui a le dos tourné à la porte se lève. Il a pâli, et la crainte d’un danger se lit dans ses yeux. Ses camarades, moins poltrons, sourient, boivent le reste de leurs verres et lui disent de s’asseoir tranquillement. La vieille hôtelière qui