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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

ans. On voyageait encore de la même façon primitive il y a vingt-cinq ans ; et le premier vapeur qui vint chez nous, le Rob Roy, — un nom formidable — eut une rude concurrence à soutenir contre les petits vaisseaux de Mathurin et de Paton. La routine, voyez-vous, est toute puissante, et nos habitants sont prévenus contre le progrès.

Le bateau de Paton avait laissé Lotbinière l’avant-veille, avec treize passagers, nombre nécessairement fatal. Dans la rade de Québec, mal gouverné, il vient se jeter sur le câble d’un navire. La mer baisse : le courant est rapide. Il penche, il penche. L’eau monte jusqu’aux pavois. Les passagers, poussent un grand cri. Comme une grappe serrée ils s’accrochent au flanc qui sort de l’eau. Mais en vain, le courant est plus fort. Le bateau ne retrouve plus son équilibre ; l’eau fait irruption dans la cale ; le mât frappe l’onde ; la grappe humaine disparaît dans les flots ; et la quille légère de la petite berge chavirée apparaît au-dessus du fleuve paisible.

Un seul des passagers, alerte et vif, a eu le temps de se cramponner à la chaîne du navire. Il donne l’éveil à l’équipage qui, n’a rien vu.