Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, 1877.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
110
LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

Les bûcheux, ce sont eux qui font retentir la forêt de leurs coups secs, rapides et mesurés. Ils vont attaquer les troncs les plus robustes. Alors ils frappent à deux et tour à tour, de la hache tranchante, l’arbre qui gémit. L’entaille, petite d’abord, s’élargit vite, et les éclats volent sur la neige, et les branches frémissent à chaque coup. Bientôt, un craquement léger se fait entendre, l’arbre mutilé tremble. Il ne s’incline pas encore. On dirait qu’il se survit. On s’éloigne, car, dans sa chute, le géant va briser tout ce qu’il touchera. Enfin le craquement recommence plus long et plus fort. La cime de l’arbre penche tout doucement, décrivant une courbe dans le ciel bleu. Le vent circule dans les rameaux et l’on dirait que les rameaux se plaignent. La chute s’accélère, le bruit augmente, les branches du colosse qui tombe fouettent, déchirent, arrachent les autres branches qu’elles rencontrent. On dirait le pétillement d’un brasier. Un choc plus sourd et plus formidable succède : puis le silence se fait. La forêt toute entière paraît tressaillir et trembler. L’arbre majestueux qui s’élevait au dessus des autres arbres comme un roi au dessus de son peuple, gît ignomi-