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LA CHAÎNE d’OR

II


L’airain des vieux clochers avait sonné six heures ;
Et déjà les remparts, les arbres, les demeures,
Comme dans un manteau, se drapaient dans la nuit.
Je sortis. Il neigeait, et la neige avec bruit
Tourbillonnait dans l’air et fouettait les fenêtres.
En marchant je songeais à tous ces pauvres êtres
Qui grelottent, serrés contre un foyer sans feu,
Et que semble oublier la charité de Dieu.

Je marchais à grands pas comme c’est ma coutume.
De loin, à la clarté du fanal qui s’allume,
Je vois, dans le brouillard, un jeune couple heureux
S’avancer en riant sur le trottoir poudreux.
Au bras du cavalier, comme une vigne au chêne,
La femme est suspendue ; et ses cheveux d’ébène,
D’un turban de velours s’échappant à demi,
Effleurent, parfumés, les lèvres de l’ami.
Deux jeunes amoureux ont cent choses à dire ;
Bien gaiement ils causaient ; et leurs éclats de rire