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l’affaire sougraine

rendait témoignage. Personne ne connaissait donc encore le redoutable secret. Le jeune ministre était un peu dans l’embarras. Il ne savait pas s’il devait, par des phrases adroites, préparer madame D’Aucheron à la grande surprise qui l’attendait, ou se jeter dans ses bras en l’appelant sa mère. Il la regardait fixement, doucement, et lui, toujours froid, léger, badin, sceptique, il sentait des larmes mouiller ses paupières… Une mère, voyez-vous, ce n’est pas une femme comme une autre. Il y a dans son amour quelque chose qui n’est pas de la terre.

— Vous pleurez, monsieur, dit madame D’Aucheron… vous avez donc du chagrin, vous aussi ?

— C’est de joie, répondit le jeune ministre… je ne suis plus orphelin… j’ai retrouvé ma mère…

— Votre mère ?… vous l’aviez perdue ?…

— Je l’ai retrouvée, s’écria-t-il, en enveloppant de ses bras la pauvre femme tout étonnée, c’est vous… c’est vous !… je suis l’enfant que vous avez mis au monde en revenant des Montagnes Rocheuses, à St Jean d’Iberville, il y a vingt trois ans !

Madame D’Aucheron poussa un cri, puis fondit en larmes…