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l’affaire sougraine

pas frappé à coup d’aviron, pendant qu’ils traversaient le fleuve dans leur canot. En se livrant à une action aussi brutale, dans un pareil moment, au milieu des flots prêts à les engloutir, n’exposait-elle pas volontairement la vie de tous ceux qui se trouvaient dans la frêle embarcation ? Et ses enfants n’étaient-ils pas là ? De quel crime n’est pas capable une mère qui expose de la sorte la vie de ses enfants ?…

Mais la vie, elle s’en souciait bien, elle. C’est la mort qu’elle appelait, la mort pour elle même et pour les autres. Ne l’a-t-elle pas crié, dans sa rage insensée. Je veux mourir, disait-elle, je veux me noyer.

Elle était ivre. Elle but encore cependant, et, descendue sur le rivage, elle continua l’odieuse orgie commencée pendant la traversée.

Fatigué de ces menaces, de ces plaintes, de ces clameurs qui montaient comme des imprécations de l’enfer, et jetaient dans l’étonnement les habitants des côtes voisines, l’accusé se rembarqua seul avec ses enfants. Il avait pardonné à sa femme cependant, puisqu’il l’avait priée de venir partager avec lui son modeste souper.

La femme délaissée se livra, dans son désespoir,