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l’affaire sougraine

Les malades d’une société qui se corrompt et les médecins que demande la morale outragée.

Un spectacle toujours nouveau attirait cette foule curieuse : Un procès à sensation. Le monde est tellement avide d’émotions qu’il serait capable de pousser au crime afin de voir juger un criminel. Si l’accusé n’a rien de remarquable, s’il est peu retors, laid, gauche, mal fait, on le verra condamner sans regret ; s’il est beau, rusé, ferme, de bonne mine, on le prend sous sa protection, on fait des vœux pour son acquittement, et, s’il est condamné, on crie à l’injustice. C’est comme au théâtre. On ne songe pas qu’un malfaiteur est d’autant plus à redouter qu’il a plus de qualités physiques ou morales, et que ce n’est pas l’homme que la justice veut atteindre mais le crime même. L’homme s’est fait l’instrument du mal, il faut qu’il devienne l’instrument de la réparation. Le mal doit être honni, poursuivi, puni partout et toujours, sans merci ni pitié, l’homme doit être un objet de commisération. Attendrissons-nous sur le sort du coupable mais applaudissons au châtiment du crime.

Sougraine allait être amené à la barre des criminels. La salle d’audience était remplie. Il y avait des gens debout dans les passages, dans les