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l’affaire sougraine

— Ta fille te doit bien cela, reprit Sougraine ; garde tout…

Il sortit ému, épouvanté, et prit le chemin qui longeait la rivière.

La mère Audet se jeta sur son lit et s’endormit en priant. Pendant son sommeil des larmes coulaient lentement sur ses joues ridées…

Sougraine s’enfuit en mangeant le pain que lui avait donné la charité chrétienne, et, quand le jour approcha, il monta sur un fenil pour y passer la journée. Il était tombé une légère couche de neige, qui recouvrait, comme un tapis d’une éclatante blancheur, les maisons, les granges, les routes et les champs. Maintenant, au ciel devenu clair, s’allumaient d’étincelantes étoiles, et sur les forêts noires bordant l’horizon, le disque de la lune à son premier quartier brillait comme les cornes de feu de quelqu’animal étrange noyé dans un océan d’azur. L’indien ne songea point aux traces que ses pieds avaient laissées sur la neige.

Un petit garçon vint à la grange, de bon matin, pour faire le train. Dans nos campagnes on charge les enfants de cette importante fonction. Il arrive que ceux-ci, faute d’expérience, donnent aux animaux une nourriture insuffisante ou mal propor-