Dieu et des hommes… Sougraine, je pleure depuis plus de vingt ans, et c’est par ta faute !… J’aurais été heureuse, moi, avec mon Elmire ! J’étais pauvre, mais nous autres, les pauvres, nous nous contentons de peu… c’est bien le moins qu’on nous laisse nos enfants ! Tu ne sais pas toutes les larmes que peut verser une mère à qui l’on enlève sa fille chérie !… toutes les nuits qu’elle passe dans les angoisses ! toutes les malédictions qu’elle appelle sur la tête du ravisseur ! Où est-elle, ma fille, Sougraine, dis, où est-elle ?… Elle est morte sans doute. Tu l’as peut-être tuée… On dit que tu sais tuer les femmes, toi…
Sougraine se leva subitement et d’un geste solennel…
— Jamais, se récria-t-il, jamais l’indien n’a tué sa femme… c’est un mensonge…
— Où est ma fille, continuait la vieille femme Audet ? Sougraine qu’as-tu fait de ma fille ?…
— Ta fille, elle est riche et heureuse…
— Ah ! tu me trompes… tu ris de ma crédulité… C’est mal de se moquer d’une mère… d’une vieille personne qui n’a plus d’espoir qu’en la tombe !…
— Je te le jure elle est riche… et heureuse…