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l’affaire sougraine

pouvait attirer l’attention des hommes ou exciter la bête dont il profanait l’asile. Au premier mouvement qu’il fit, un rameau sec cassa, et l’animal gronda plus fort.

Une sueur abondante et glacée coulait maintenant sur ses membres, et des transes amères torturaient son âme. Devant lui, un fauve cruel et affamé, irrité d’être dérangé dans sa retraite, derrière, des hommes qui le guettaient pour lui faire expier une faute que le repentir avait sans doute effacée depuis longtemps. Alternative épouvantable ! Les hommes sans pitié le conduiraient à l’échafaud, la bête le dévorerait tout vif… Après tout, s’il ne bougeait plus, s’il demeurait là, immobile comme un cadavre, l’animal l’oublierait peut-être, ou lui pardonnerait de l’avoir troublé dans son repaire. Mais il ne pourrait pas rester là longtemps : il y mourrait. Il fit un nouveau mouvement de recul.

— Avez-vous entendu ? demanda quelqu’un de la bande.

— Oui, un grondement sourd qui sortait de là, fit un autre, en montrant l’arbre arraché qui leur servait d’abri.

— Il se pourrait qu’un ours y fût caché.