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l’affaire sougraine

être nuit enfin. L’obscurité ne venait donc point, ce soir-là, sous la forêt ? Ses pieds s’engourdissaient. Ils gelaient peut-être. S’il allait se geler les pieds !… Oh ! il mourrait là, dans sa cachette, comme un fauve. On le trouverait au printemps. Les ours le dévoreraient peut-être… Ce serait affreux, cette mort lente, dans le désert, sans une prière, sans un prêtre,… Mourir sans confession, sans recevoir le pardon de ses fautes… Mais, non ! il ne gelait point… Ce n’était rien que de l’engourdissement. Tout à l’heure il sortirait et ses pieds seraient encore dispos et rapides… Ses pieds ! il ne les sentait plus. Il les remuait peut-être, mais il n’en était pas sûr… Ses mains ! l’une était sous lui, plongée dans la neige froide, l’autre se crispait sur un tronçon de branche.

Et les hommes qui le traquaient riaient et discouraient ensemble. Tout à coup un grognement sourd et rauque sortit du fond de l’antre formé par le pied de l’arbre affaissé sur ses énormes racines. Sougraine frémit. Il leva quelque peu la tête et crut voir, plus avant sous le tronc, deux yeux ardents qui le regardaient fixement dans l’obscurité.

Il voulut reculer sans faire crier la neige, sans faire craquer une branche, car le moindre bruit