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l’affaire sougraine

n’y avait rien de changeant comme la fortune ; que souvent la félicité nous échappait au moment où l’on en portait la coupe à ses lèvres. Ces paroles jetaient du froid sur l’enthousiasme de la jeune fille et faisaient renaître de vagues craintes un moment oubliées. Elles produisaient l’effet du brouillard glacé qui s’abat sur le frissonnement amoureux des fleurs de la prairie, le soir d’une chaude journée.

Léontine reçut une lettre de mademoiselle Ida Villor. Elle en dévora les pages charmantes. Jamais sa bonne amie n’avait écrit avec autant d’abandon. Elle lui parlait de Rodolphe, son cher Rodolphe !… Comme il t’aime ! disait-elle, et comme tu seras heureuse avec lui ! Il est bon, va ! Il a bien soin de nous… La clientèle est belle… On vient de loin le chercher. Notre humble demeure, près de l’église, s’ouvre à chaque instant du jour et de la nuit. C’est un peu fatigant, mais cela chasse l’ennui.

Madame Villor allait mieux. Le voyage ne l’avait pas trop fatiguée. Elle articulait quelques mots maintenant Quand le printemps serait revenu avec ses brises chargées de parfums, ses chaudes buées, son éclatant soleil, ses chants