Page:LeMay - L'affaire Sougraine, 1884.djvu/302

Cette page a été validée par deux contributeurs.
304
l’affaire sougraine

infinie, où les montagnes, les rochers, les lacs et les vallons se succèdent toujours, toujours jusqu’aux défrichements du lac St Jean et, par de là, jusqu’à la mer de glace. Les grands sapins, les pruches, les épinettes avec leurs larges palmes vert sombre couvertes de blancs flocons, ressemblaient à ces vieux rois du nord que nous montrent les légendes Scandinaves — vieux rois drapés dans leurs manteaux sombres garnis d’hermine, et couronnés de chevelures d’argent. Les chasseurs marchaient à la file et les raquettes laissaient sur la neige molle une empreinte qu’on eût dit produite par le pied d’un animal énorme ou le sillage d’un vaisseau dans une mer d’écume. Sougraine conduisait la marche. Il connaissait bien ces lieux qu’il avait mille fois parcourus. La Longue chevelure, alerte et souple comme un cerf, le suivait. Puis les chasseurs de la ville, Vilbertin, D’Aucheron, Landau, Dupotain, Griflard. Puis encore les hommes de peine, ceux qui emmenaient le bagage sur des traînes sauvages, ou le portaient sur leur dos. Le soir, on dressait la tente, on allumait le feu, on faisait des lits de sapins, sur les quels on étendait de chaudes couvertes de laine, et, après avoir bu un peu sec et mangé avec appétit, on s’endormait profondément.