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l’affaire sougraine

— Je vous aime tant que je ne reculerai devant rien pour vous obtenir…

— Ce n’est pas moi que vous aimez alors, c’est vous même.

— C’est vous, mais parce que vous devez être à moi. N’est-ce pas toujours ainsi ?

Mademoiselle D’Aucheron lui fit comprendre qu’elle ne pouvait pas décemment rompre avec l’autre et s’engager avec lui en une minute. Elle passerait pour une étourdie. Elle eut mieux aimé ne point se marier ; cependant s’il fallait faire cet acte de dévoûment pour sauver ceux qui avaient eu soin de son enfance, elle se sentait capable de le faire. Mais celui qui l’épouserait serait bien sot de prendre une femme incapable de l’aimer. Elle ne serait que sa servante dans sa maison, car une femme qui n’aime point son mari ne fait plus dans sa maison que le rôle d’une servante.

Léontine venait d’échapper à une union détestable, mais ce n’était que pour subir une humiliation plus profonde, et pour accomplir un sacrifice plus pénible encore… Le bon Dieu n’avait donc point pitié d’elle. Cette fois il n’y aurait plus de délai. L’épée était suspendue par un fil sur la tête de ses parents. Vilbertin n’avait qu’à le vouloir et le fil se romprait.