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l’affaire sougraine

XIX

D’Aucheron jouait à la bourse. Il spéculait, achetant et vendant par l’intermédiaire d’un courtier, sans rien en posséder jamais, des actions de toutes les compagnies : compagnies de chemins de fer, de bateaux à vapeur, de canaux, de mines, et comme tous les spéculateurs, il s’éveillait quelquefois au chant de la hausse et souvent au gémissement de la baisse. Vilbertin lui prêtait les fonds et touchait les meilleurs bénéfices. Ce jeu de bascule avait des enivrements indicibles. Ceux qui risquent, sur le caprice des cartes, l’argent dont ils semblent embarrassés, peuvent avoir un aperçu du délire de ces grands joueurs aux millions, quand la partie s’engage à cent endroit divers et contre mille joueurs différents. Il y a, comme aux cartes, des trucs formidables, des coups d’une hardiesse folle, des succès inespérés, des pertes inouïes. Les lutteurs sont aux aguets ; ils écoutent toutes les rumeurs, pèsent toutes les probabilités,