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l’affaire sougraine

Le Pêcheur, lui, voulait épouser le plus tôt possible en prévision d’un échec. Avec une fortune on flotte toujours sur la mer politique… D’Aucheron opinait aussi pour un mariage immédiat. Sa réputation d’homme d’affaire était intacte, et sa fortune, énorme dans l’imagination de tout le monde. Comment faire une alliance brillante quand les prétendants, au lieu d’une dot princière, n’auraient à recueillir que des titres inutiles et des comptes en souffrance ?

Lorsque Léontine revint à la maison elle vit un rassemblement au coin de la côte Ste Geneviève et de la rue D’Aiguillon. Elle fut un peu effrayée parce que l’on y parlait fort. C’était un grand gaillard, à l’air intelligent, qui s’escrimait de la langue et des poings. Il était mécontent, indigné, furieux. On l’écoutait avec curiosité ; plusieurs même l’applaudissaient…

— Oui, disait-il, on m’a jeté sur le pavé avec ma famille, sous prétexte d’économie, moi un vieux serviteur, un serviteur fidèle… Que puis-je faire maintenant pour donner du pain à mes enfants ? Vais-je, à l’âge de cinquante ans, apprendre un métier ou défricher une terre ? Ah ! l’on n’a plus besoin de moi !… Monsieur Le Pêcheur peut se dispenser de mes services. À