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l’affaire sougraine

— Notre fille ! hein ! que dis-tu ? Notre fille ! Léontine est la fille de Sougraine ?… de Sougraine ? Sa fille ? oh ! dis, c’est bien vrai ?

— C’est vrai… mais sauve-la ! sauve-nous…

Un flot de sang monta à la figure de Léontine. Elle crut qu’elle allait mourir. Elle s’appuya sur le mur, tenant son front dans ses mains crispées comme pour en arracher une pensée affreuse, puis elle se traîna jusqu’à sa chambre et tomba au pied de son crucifix. La prière, c’est le seul refuge efficace des vraies douleurs.

Sougraine ! Sougraine ! ce nom qu’elle ne connaissait que depuis quelques jours tintait comme un glas funèbre à ses oreilles !

Sougraine ! Sougraine ! c’était le chant de mort de ses amours et de ses espérances !

Sougraine ! Sougraine ! Toujours il revenait ce nom fatal, et rien, rien ne pouvait le chasser. Il se liait au nom de sa mère… ils devenaient inséparables, ces deux noms, comme deux serpents qui s’entrelacent et mêlent leurs orbes dans l’amour ou la haine….

Elle demeura longtemps au pied de la croix, dans un inexprimable abattement et ne parut pas au souper. Sa mère, fort agitée elle même,