Page:LeMay - L'affaire Sougraine, 1884.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.
171
l’affaire sougraine

mystère et craignait de le découvrir. N’y a-t-il pas des âmes nées pour souffrir ? et ne suis-je pas un enfant de malheur pensait-elle ? N’est-il pas de mon devoir de tout sacrifier, amour, joie, espérances, félicités, tout, tout, pour ceux qui m’ont comblée de biens depuis mon enfance ?… Pauvre Rodolphe !…

Elle s’échappa des étreintes de sa mère et se renferma dans sa chambre. Elle se jeta à genoux. Les mains jointes, les yeux levés vers le petit crucifix d’ivoire qui surmontait la tête de son lit blanc, elle implorait celui qui s’est sacrifié pour sauver le monde. Pauvre enfant, comme elle souffrait ! comme elle priait !

Madame D’Aucheron sourit quand elle vit l’affaissement de sa fille.

— Elle ne se révolte point, pensa-t-elle, c’est bon signe. Elle aura du chagrin, versera des larmes, mais finira par céder. Le chagrin passera, les larmes se dessécheront, et elle sera madame Le Pêcheur.

Monsieur D’Aucheron rentra vers le soir, la tête remplie de projets insensés. Il achetait une magnifique maison, des chevaux, des voitures. Il aurait des cochers en livrée, comme d’autres qui