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l’affaire sougraine

Chacun reprit frileusement le chemin de sa maison, trottinant sur les trottoirs glacés.

L’honorable M. Le Pêcheur s’en allait seul, et des paroles sans suite tombaient de ses lèvres serrées par la colère.

— Me préférer un va-nu-pieds !… Elle m’aimera !… Il faut que je l’épouse… S’il n’était pas riche comme on dit… Tout de même elle est bien belle.

Quelqu’un le suivait de près, mais il ne s’en apercevait point, tant il était absorbé dans la pensée de mademoiselle Léontine. Il la croyait riche héritière et l’aspect de l’or, qu’il voyait scintiller dans ses rêves, l’aiguillonnait comme un éperon, les flancs d’un coursier. La lutte ne lui faisait point peur ; au contraire.

Il se trompait cependant. D’Aucheron s’était dit riche et le monde l’avait cru très riche. Sa fortune idéale faisait boule de neige dans le champ de l’imagination.

— Je demande pardon à mon frère l’honorable ministre, dit tout-à-coup l’individu qui le suivait je demande pardon à mon frère si j’ose lui adresser la parole.