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l’affaire sougraine

instant seulement, trouvait déjà, dans cette amère parole, une vigueur nouvelle et un nouvel esprit de soumission.

Le sioux continua :

Mon père était un guerrier de la vaillante mais cruelle nation des sioux, ma mère était une fille de la brûlante Espagne. Je pris pour compagne une indienne de la Baie-des-Chaleurs, une belle jeune femme qui m’aimait beaucoup et me suivit jusqu’aux Montagnes Rocheuses. C’est là qu’habitaient les miens. Je voulais voir mon père déjà bien vieux, et qui se penchait sur sa fosse comme un tronc moussu sur un ravin noir. J’arrivai pour recevoir son dernier soupir et ses dernières volontés. Il me supplia de rester dans la tribu qu’il avait toujours tant aimée, comme le rameau doit rester après le tronc d’où il est sorti ; je lui en fis la promesse solennelle, et il mourut en me bénissant. Ma mère dormait depuis longtemps à l’ombre de la croix, dans le cimetière d’un village américain. Elle m’avait enseigné la religion de son beau pays, et cette religion je l’aime jusqu’au martyre. Mes frères sioux n’ont jamais voulu en comprendre les divines beautés.

Cependant ma femme mourait d’ennui dans nos