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tout en plaçant dans son éternité la fontaine merveilleuse qui seul peut l’apaiser.

Autrefois, la veille du jour de l’an dans toutes les paroisses, dans tous les villages, on chantait la Ignolée. Ceux qui la chantaient s’appelaient les Ignoleux, et ils le méritaient bien. Armés de longs bâtons et de sacs profonds, ils allaient de porte en porte, chantant sur le seuil, plus soucieux du bon sens que de la rime :

Bonjour le maître et la maîtresse
Et tous les gens de la maison,
Nous avons fait une promesse
De venir vous voir une fois l’an…

Ils battaient la mesure avec leurs bâtons, et, avec leurs sacs ils recueillaient la chignée. On les recevait avec plaisir, et on leur donnait abondamment, car la chignée — c’est-à-dire l’échine d’un porc frais, je suppose — était destinée aux pauvres de l’endroit. L’égoïsme qui se glisse partout, se glissa jusque dans les cœurs des IgnoleuxAuri sacra fames ! — et les Ignoleux finirent par n’avoir plus de cœurs et par garder pour eux-mêmes ce qu’ils recevaient pour d’autres. De ce mo-