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FANTÔME

morceaux de savon fait à la lessive et des bulles où s’allumaient de douces lueurs semblaient sourdre comme des étincelles du fond noir de l’auge, et une écume légère et blanche s’attachait comme une dentelle fragile aux longues parois.

Parfois une aigrette humide se détachait du tissu violemment secoué, et venait s’abattre sur une robe rose ou sur un gilet noir. Des rires éclataient, et la robe ou le gilet s’en allaient se sécher poétiquement à la flamme du foyer.

C’est ainsi que Mathias et Joséphine, robe et gilet largement éclaboussés, s’appuyèrent au manteau de la cheminée. La flamme ondoyait, les vêtements séchaient, et les cœurs se réchauffaient. Tous les foyers bien attisés peuvent incendier les âmes sans brûler leur chétive enveloppe.

Sur le grand dévidoir lentement tourné par des bras fermes, les aunes d’étoffes s’enroulèrent, trempés, chaudes, fumantes, et l’eau tombait en gouttes pressées, comme d’un nuage qui crève. Des femmes, un balai de cèdre à la main essuyaient à mesure les ravages de l’ondée ; et le plancher, sous le frottement des