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FANTÔME

Cependant Mathias revint seul. Il avait le teint bronzé par le soleil, les mains gercées par le travail, le front traversé par une ride, le regard chargé d’une lueur singulière. Avec cela tout fier d’être au milieu des siens, pendant que ses compagnons peinaient encore là-bas, dans les montagnes de la Californie, le pic à la main pour déterrer les filons d’or, le pistolet à la ceinture pour se défendre contre les bandits.

Lui, il avait été très heureux. Sa bêche infatigable avait découvert d’inépuisables veines, et il avait marché dans la poussière d’or comme d’autres marchent dans la boue. Il ne s’était pas montré souvent dans les rues de San Francisco, redoutant les appels séduisants des chopes mousseuses, des tapis verts, des alcôves sombres. Il avait mieux aimé la vie solitaire dans les âpres montagnes, les jours laborieux, les nuits reposantes sous les rameaux embaumés.

C’était lui qui disait cela.

L’espoir d’éblouir sa paroisse par l’éclat de sa fortune avait été un aiguillon puissant, il ne le cachait pas. Il aimait les richesses et, dans sa vanité, il ne lui déplaisait nullement d’éclabousser ses amis restés gueux.