Page:LeMay - Fêtes et corvées, 1898.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.

54
FANTÔME

à l’étude qu’au jeu, et regardant souvent, d’un œil coquin, par-dessus son livre ouvert, la petite écolière du banc voisin.

Ils avaient marché, poussés par la foule qui se hâte vers l’avenir, et quinze ans après, Joséphine Duvallon, la petite studieuse d’autrefois, était une grande brune, fraîche et rose comme un fruit mûr, et Mathias Patrol, son petit ami, robuste, large d’épaules, la lèvre marquée d’une moustache noire en accent circonflexe, passait à bon droit pour le plus faraud de la paroisse. Il n’en était pas le plus beau. Jean-Paul Duvallon, le frère de Joséphine, avait meilleure tournure. Puis son œil bleu plein de rêves troublait agréablement les jeunes âmes. Les sensibles villageoises se tournaient vers lui comme les marguerites des prés se tournent vers la lumière. Mathias aurait été jaloux s’il n’eût aimé la sœur de son ami.

Un jour ils partirent ensemble, Mathias et Jean-Paul, pour courir après la fortune. Ce fut un jour de deuil pour leurs familles et pour la jeunesse de la paroisse.

L’absence avait duré trois ans et les jeunes voyageurs parlaient de leur retour au pays.