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FÊTES ET CORVÉES

à la seule fin, croyez-le bien, d’être plus près du blé-d’Inde. Les chaises feraient perdre un espace précieux ; on les laisse dans leurs coins et l’on s’assied à terre. Un étrange froissement de feuilles sèches annonce que le travail commence. On dépouille complètement les épis qui doivent être égrenés bientôt ; on laisse trois ou quatre feuilles à ceux qui doivent être gardés en tresses. Les plus éveillés de la bande des éplucheurs ont toujours quelques ripostes à lancer, quelques drôleries à faire. C’est un besoin pour eux de faire rire les autres, comme c’est un besoin pour d’autres de rire toujours. Les feuilles tombent drues, s’amoncellent et forment bientôt de moëlleux coussins. Une espérance anime les travailleurs, l’espérance de trouver un blé-d’Inde d’amour — on appelle ainsi un épi rouge — car ce blé-d’Inde est mieux qu’un talisman ; non seulement il vous préserve de la mauvaise fortune pendant la soirée, mais il vous investit d’un doux privilège, celui d’embrasser qui vous plaît. Quelquefois le possesseur de l’heureuse trouvaille dissimule son plaisir et son épi : il va traîtreusement déposer un chaud baiser sur une joue qui ne s’y