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FÊTES ET CORVÉES

Nous avons passé les jours gras ensemble ; nous avons ensemble allumé les feux de la Saint-Joseph et de la Saint-Jean, ensemble encore nous fêterons la grosse gerbe. Il n’y a plus un seul épi debout ; la faulx impitoyable a tout abattu. Déjà la récolte presque entière est entassée sous le toit de la grange en attendant le fléau primitif ou le moulin vorace enfanté par le progrès. Cependant une pièce encore n’a pas été serrée ; mais la javelle attend la hart ; et, si l’on en juge par l’empressement de ce groupe que l’on vient d’apercevoir, elle n’attendra pas longtemps. En effet, gars et fillettes, les mains protégées par l’antique mitaine de cuir rouge, se courbent sur le champ pour amasser le blé, et se relèvent tour-à-tour ou tous ensemble pour aller déposer — sur le lien de coudre — les épis javelés. Les lieurs n’ont pas une minute de repos, et penchés sur la gerbe qu’ils pressent du genou, pendant que leurs amis rient, chantent et badinent, ils n’ont chacun qu’une pensée et qu’une ambition : lier plus vite et mieux que les autres. Ils ont raison, car les liens, les honnêtes du moins, ne se forment jamais trop vite et se brisent toujours assez tôt.