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FÊTES ET CORVÉES

Nos pères étaient friands de réjouissances : ils étaient encore Français. Nous, nous avons puisé des idées sérieuses et un brin de flegme dans l’air que nous respirons, dans la nature sévère qui s’étend sous nos yeux, dans le froid qui nous engourdit et dans la fréquentation des Anglais qui nous entourent. Nos pères ne trouvaient pas suffisant d’allumer des feux en l’honneur de saint Joseph, et ils crurent faire plaisir à saint Jean en lui brûlant aussi, la veille de sa fête, des sapins entiers, desséchés d’avance. Je ne saurais préciser la date du premier feu de la Saint-Jean sur nos bords ; mais je vois qu’en 1636 on chômait la Saint-Jean aux Trois-Rivières, et l’on tirait du canon, et l’on se livrait à toutes sortes d’innocentes jouissances le soir de la veille. Les Sauvages croyaient que les visages pâles faisaient cette fête pour chasser le manitou, et, à leur tour, ils prenaient tambours et autres instruments de tapage, et — faisant un tintamarre épouvantable — ils couraient de ci, de là, pour effrayer le diable.

Cependant le feu de la Saint-Jean ne s’alluma point à toutes les portes, pas même dans toutes les paroisses, et, pendant près de deux siècles, les échos de la joyeuse fête ne sortirent