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FÊTES ET CORVÉES

hommes et femmes, veufs ou non, le nombre pas plus que le genre, rien n’y fait. Les femmes se déshabillent, les hommes se décapotent et les chevaux se détellent. Il fait froid et l’on prend un verre de gin pour se réchauffer ; s’il ne faisait pas froid, on en prendrait quand même. Les hommes s’assoient et causent de mille choses : des chevaux et de la récolte, des promesses du gouvernement, des taxes et des prochaines élections. Les femmes ne jasent pas moins, et, si les dernières nouvelles ne suffisent pas, elles rééditent les premières, soigneusement revues, corrigées et augmentées. Les jeunes filles ne font qu’un rond dans la place ; les pieds leurs brûlent de l’envie de danser. Voici le joueur de violon. Il porte gravement sous le bras, et précieusement enveloppé dans un mouchoir de poche, l’instrument désiré : un stradivarius de fabrique canadienne. On verse à boire pour lui donner du bras, et, soudain, — sous le doigt exercé qui les met d’accord, — tour-à-tour les cordes vibrent et sonnent, pendant que les clefs tournent en criant dans la tête gracieusement cambrée du violon.